vendredi 25 juin 2010

La trépanation n’est pas aussi barbare qu’on ne le croit ...

La trépanation était autrefois utilisée pour chasser les démons responsables de la migraine et de la schizophrénie.
Elle se pratique toujours pour soulager la pression intracrânienne après un traumatisme.
Avec l’âge, le flux sanguin cérébral décroît et très tôt dans le cas de sujets développant une démence.
En plus d’apporter de l’oxygène au cerveau, ce flux sanguin a un rôle super important : la circulation et la production de liquide céphalorachidien transportant les nutriments et éliminant les déchets dont les protéines tau et bêta-amyloïde impliquées dans la formation des plaques séniles.
De l’équilibre entre ce liquide et le sang dépend le rapport entre le volume du crâne et la pression du fluide qu’il contient. Chaque fois qu’un battement de cœur envoie du sang dans le crâne, du liquide céphalorachidien en sort par la moelle épinière par un trou situé à la base. Et ce, pour éviter une surpression.
Après 40 ans, selon un chercheur Russe, le système perd de son efficacité, et il y a un apport moindre en oxygène et une moins bonne élimination des déchets. Ce qui entraîne le déclin cognitif voire même la démence.
Sa solution ? Un trou dans le crâne de 4cm² faisant office de valve qui, en libérant de la pression, augmenterait le débit sanguin de 8 à 10% !
Voilà une approche peut-être prometteuse pour lutter contre Alzheimer et pour prévenir tout déclin cognitif après 40 ans !

La trépanation , un peu d'histoire !

 La trépanation est la forme la plus ancienne de chirurgie dont il existe des preuves physiques. L'examen de crânes fossiles montre que des opérations de ce type étaient réalisées dès le Néolithique1,2, voire le Mésolithique. Dans la Grèce Antique, la trépanation est décrite par Hippocrate3.
Autrefois, on effectuait des trépanations sur les patients atteints de fractures du crâne, de convulsions, d'épilepsie ou de troubles mentaux. La trépanation était vue comme un moyen de faire sortir les esprits malins qui occupaient un hôte. Les morceaux d'os découpés servaient ensuite d'amulette protectrice. Dans les civilisations égyptienne et sumérienne, on allait jusqu'à prélever des disques d'os crânien sur les cadavres. Dans certains ouvrages tibétains, la trépanation est présentée comme un moyen d'ouvrir le troisième œil.
Dans certaines civilisations disparues, il semble que la trépanation ait été associée aux déformations crâniennes pratiquées dès la prime enfance sur certains sujets afin de marquer des différences hiérarchiques, sociétaires ou de clan d'un groupe d'individus par rapport à d'autres (exemple: la civilisation de Paracas, au Pérou).
Utilisation

De nos jours, la trépanation est utilisée pour procéder à l'ablation de tumeurs ou dans le cas des hématomes, car si le sang n'est pas évacué, il peut y avoir une compression du cerveau qui provoque des lésions pouvant entraîner la mort.
Augmentation des capacités cérébrales
En dehors de ces applications thérapeutiques, la trépanation est toujours utilisée par certains à des fins spirituelles : elle permettrait d'augmenter le métabolisme dans les capillaires, ce qui conduirait à un niveau de conscience supérieur
. Il n'y a cependant aucune raison de croire que cette opération puisse réellement provoquer un tel changement. Cette pratique est illégale en Europe et aux États-Unis en raison du risque de formation de thrombus (caillots sanguins), de blessures et d'infections cérébrales. La trépanation, mal pratiquée, peut entraîner la mort.

La nano est-elle encore de la partie  ?

mardi 15 juin 2010

La cruauté

LA CRUAUTE DANS SODOME ET GOMORRHE
Michel Erman
Université de Bourgogne

La cruauté a toujours été une notion suspecte, voire scandaleuse, dans l’histoire de la pensée. Dans le Gorgias de Platon ou dans l’Ethique de Nicomaque d’Aristote, elle relève du sophisme et de la barbarie et se trouve exclue du sens commun comme de l’ordre humain (voir à ce propos : C. Dumoulié, Nietzsche et Artaud. Pour une éthique de la cruauté, PUF, 1992, p.12-20). Seuls les cyniques la revendiquent pour opposer à toutes les conventions sociales la puissance de la nature. Et, plus tard, Machiavel et surtout Sade, nous y reviendrons.
Au sens premier, l’acte de cruauté consiste à déchirer la chair et à faire couler le sang, c’est un acte impitoyable ; dans le sens figuré du langage amoureux, la cruauté désigne l’insensibilité de celui qui est aimé. On le remarque d’emblée, le spectre sémantique est large, d’ailleurs bien des locuteurs emploient le terme de façon très polysémique pour, en général, faire référence à la violence. Or, la cruauté a des caractéristiques toutes particulières. Ainsi, il ne me paraît pas exact de considérer, comme le fait M. Muller, qu’ "il n’est guère d’épisode de A la recherche du temps perdu où il soit malaisé de la montrer à l’oeuvre, qu’elle s’exerce aux dépens du je fictif ou qu’elle explique les rapports entre deux personnages " (" Charlus dans le métro ou pastiche et cruauté chez Proust ", Cahiers Marcel Proust n° 9, 1979, p.9). Je me propose donc de montrer que, dans Sodome et Gomorrhe, la cruauté est une passion, qu’elle s’étaye sur un discours de la nature et qu’elle fonctionne comme un principe de contradiction.
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" Ce petit a du chagrin, il a l’air désolé cet enfant ; voyons, nous ne sommes pas des bourreaux " (RTP, I, p.36 ; les références aux autres volumes de la Recherche renvoient à l’édition de la Pléiade publiée sous la direction de J.-Y. Tadié). Telles sont, à Combray, les paroles du père qui permettent à la mère de passer la nuit avec le fils. Quand on se rappelle que le narrateur considère que cet événement a pesé sur sa vie, qu’il en a retiré un fort sentiment de culpabilité pour avoir forcé, voire détérioré, l’amour maternel ( il s’agit de la fameuse thématique des " mères profanées "), on a l’impression que la dénégation paternelle implique que la place du bourreau est occupée par le héros. Marcel serait-il un fils cruel, cherchant à détruire l'objet d'amour, dont le développement psychique serait marqué par la satisfaction sadique-anale ? (Sur cette question, je me permets de renvoyer à mon ouvrage : L'œil de Proust. Ecriture et voyeurisme dans RTP, Nizet, 1988). Aujourd’hui, la psychopathologie parle, plus volontiers, de sadisme que de cruauté pour désigner le plaisir pris à voir ou à infliger de la souffrance à autrui tout en précisant qu'au cours de l'évolution libidinale de l'enfant, le sadisme peut se retourner en masochisme et vice versa. Ainsi, dans la description biographique de la duchesse de Guermantes, on relève des traces de cette pulsion : "une cruelle petite fille de l'aristocratie de Combray, qui dès son enfance, montait à cheval, cassait les reins aux chats, arrachait l'œil aux lapins" (RTP,II, p.793).  
La cruauté implique donc une notion de plaisir. Appliquée au jeu social dans l'univers mondain, il convient de ne pas la confondre avec les divers comportements malveillants ou méprisants qui y ont cours. Dans tous les cas, la violence règne, mais seule la cruauté s'affiche comme telle, c'est-à-dire comme la volonté de faire le mal délibérément. La cruauté n'est pas qu'éthos, elle est aussi pathos, plaisir et volonté, passion (par référence au sens étymologique : passio du supin pati = souffrir mais aussi au grec pathos désignant celui qui agit). Ajoutons que du Moyen-âge à la Renaissance, dans le discours amoureux, les mots cruauté et passion formaient un couple proche du couple sadisme/masochisme, puisque "cruauté" renvoyait à l'insensibilité amoureuse tandis que "passion" impliquait la souffrance amoureuse. La cruauté réunit donc celui qui souffre et celui qui fait souffrir ou ce qui fait souffrir, comme le laisse entendre la longue dissertation du narrateur, dans SG I, à propos des pulsions intimes de Charlus chez qui le désir s'apaise, se purge grâce à l'emploi d'une violence, verbale le plus souvent, exercée à l'encontre de l'être désiré, violence qui fait du baron un "dominé devenu dominateur" (SG, éd. Folio, p.30).
Forme de passion impliquant volonté et plaisir, la cruauté serait-elle le contraire de la pitié ? Rien n'est moins sûr. Ainsi, la pitié que Mme Verdurin manifeste à Saniette qu'elle invite malgré sa stupidité parce qu'il "n'a pas un sou" (p.342) et qu'il a besoin d'elle n'est-elle pas tout aussi impitoyable que la cruauté prodiguée au malheureux par son mari ? Il en va de même de l'attitude de la duchesse de Guermantes qui souhaite de tout son cœur que Swann ne soit pas mourant (p.80). Tant il est vrai que "le caractère ordinaire de la haine mêlée à l'amour" (A. Compagnon, "Ce frémissement d'un cœur à qui l'on fait mal", Nouvelle Revue de Psychanalyse, n°33, 1986, p.123 ; repris dans Proust entre deux siècles) a toujours hanté et fasciné Proust, et cela dès l'époque où il écrivait Les Plaisirs et les Jours (je pense, en particulier, à ces deux nouvelles très fin-de-siècle que sont "Avant la nuit" et "Les confessions d'une jeune fille" dans lesquelles le plaisir intime est lié au sentiment profond d'avoir profané et détruit le corps maternel). Ainsi définie, la cruauté joue un rôle non négligeable dans la Recherche, sans pour autant régner partout. Elle semble tout d'abord caractériser certains personnages, comme Françoise qui, à Combray, se comporte de façon à la fois brutale et tendre avec la fille de cuisine ou comme le héros, qui attentif à ne pas être cruel envers lui-même comme "un soldat qui choisit le poste non pas où il peut être le plus utile mais où il est le plus exposé" (p.228) cherche à conjurer le désir soupçonneux qu'il éprouve pour Albertine en lui manifestant une vive indifférence, en prétendant éprouver une passion pour Andrée puis en se prenant de pitié pour la jeune fille (p.224) qui se montre alors soumise. On citera encore Mme Verdurin riant ostensiblement des faiblesses de Brichot alors que celui-ci continue à la considérer "comme sa meilleure amie" (p.341). La victime s'accorde à son bourreau, tel encore Charlus affectant de ne pas se rendre compte de la cruauté de Morel (p.448-450).
Dans Sodome et Gomorrhe, la cruauté est une forme de violence morale. Cependant si l'on tient compte du sens premier du terme, la première cruauté à l'œuvre dans le roman se trouve dans la nature qui isole les sexes et les voue à la clôture au lieu de les rapprocher. Ainsi l'âme féminine de Charlus déchire son corps d'homme et c'est là une tare héréditaire, comme y insiste le narrateur. Il est, par ailleurs, remarquable que la révélation de l'homosexualité du baron s'accompagne d'une description d'un corps dégradé, alors que trois ans auparavant, lors du premier séjour à Balbec, Charlus était présenté comme un homme portant beau et paraissant beaucoup plus jeune que son âge.
Chez Proust comme chez Sade, la nature s'oppose à la loi, sociale et génitale, c'est "une puissance cruelle", pour reprendre une expression de C. Dumoulié (op. cit., p.19), qui témoigne que la violence fait partie de l'humanité (le topos de la nature faisant l'objet de nombreux discours dans SG, voir la communication d' E. Caduc). Dans une digression sur le personnage de Charlus, le narrateur rappelle, d'ailleurs, une obsession ancienne à propos de la sexualité des fils –sans la limiter aux invertis- qui est une profanation du corps maternel (p. 300). La volupté est fatalement cruauté. On peut encore évoquer les fantasmes sadiques de Morel (il "plaquerait sans remords une jeune fille violée") qui font goûter à Charlus "un plaisir complet" (p.398).
Afin de mieux comprendre cette expérience existentielle, je ferais l'hypothèse que la cruauté ressortit à un principe de contradiction en face d'une loi ou d'une morale imposée. Si, dans la sphère intime, la nature déchire les corps, dans la sphère sociale, les certitudes du monde aristocratique fonctionnent comme des principes de vérité (les bienséances, l'esprit de cour), et il en va de même du règne des opinions dans l'univers bourgeois (l'art, la politique). Chez les mondains, la cruauté permet d'isoler le bouc émissaire. Ainsi, en se moquant du défaut de prononciation de Saniette et en l'interrogeant sur ses sorties comme un instituteur interrogerait un mauvais élève (p.324-325), M. Verdurin place le personnage dans la position de celui qui porte les incapacités et les tares de sa classe sociale. Chez les Guermantes, l'attitude de Charlus envers Mme de Saint Euverte –il déclare que "s'il avait la colique, il tâcherait de s'en soulager dans un endroit plus confortable" que chez elle (p.99)- place la marquise dans une position semblable. Inutile d'ajouter que Saniette comme Mme de Saint Euverte sont complices des actes de cruauté exercés à leur encontre. Le narrateur précise même que "les victimes sont lâches" (p. 98) et qu'elles participent à leur propre déchéance.
La cruauté fonctionne également comme un principe de contradiction en face de cette réalité inintelligible qu'est la mort. Ainsi, les invités des Guermantes regardent la dégradation physique de Swann, qui porte déjà le masque de la mort, avec "de la curiosité indiscrète, de la cruauté" (p.89) et le duc de Guermantes fait mine d'ignorer la mort de son cousin Osmond afin d'aller tout de même à la redoute à laquelle il est invité (p.123). De même, la brutale réalité de la mort de la grand-mère qui revient dans les rêves du héros l'amène à évoquer "la cruauté de ses impressions véritables" (p.157), il a alors le sentiment de plonger dans des "viscères" retrouvant, ainsi, la signification première de la cruauté qui implique de déchirer la chair d'autrui.
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Au total, l'opacité des relations entre les personnages de Sodome et Gomorrhe semble justifier leurs comportements cruels. Dans ce roman où chacun n'existe que dans le regard d'autrui, où l'angoisse l'emporte sur le plaisir, où la violence sociale prime plutôt que la civilité, on a le sentiment comme l'écrit Schopenhauer que "la souffrance est le fond de toute vie" (Le Monde comme volonté et comme représentation, PUF, p.397) et, partant, que la cruauté est inhérente à la "volonté" de vivre. Seul le héros échappe à ce tropisme, encore que pris dans les rets de la jalousie, il éprouve parfois le besoin de blesser Albertine (c'est explicitement le cas après l'épisode de la "danse contre seins", p.198). En effet, son caractère comme ses actes ressortissent à la bienveillance et à l'humanité : "je me plaisais à la diversité des hommes sans rien attendre d'eux ou leur en vouloir, je négligeais la bassesse (…) ma douceur était désintéressée" (p.303), dit-il en réponse aux vilenies de Morel. La douceur, tel est le véritable antonyme de la cruauté.