mercredi 28 juillet 2010

Faits de société et conséquences...

Au carrefour d’une préoccupation pour les phénomènes psychologiques et pour les faits de société, la psychologie sociale occupe une place privilégiée parmi les sciences humaines et sociales. L'observation multiculturelle sur les objets d’études de la psychologie sociale prends une place incontournable. Les recherches réalisées au cours des 30 dernières années ont en effet convaincu les psychologues sociaux, en Amérique comme en Europe, qu’il n’est plus possible de prétendre développer des théories générales du comportement humain tout en étudiant les phénomènes psychologiques au sein d’une seule culture.

CoTOMKIEWICZ STANISLAS
(1925-2003)
Pédopsychiatre.  Rescapé du ghetto de Varsovie, Stanislas Tomkiewicz est déporté à Bergen-Belsen jusqu'en 1945, choisit la France pour mener d'importantes recherches sur la production sociale du quotient intellectuel. À côté d'ouvrages plus directement liés à sa pratique médicale (La Prison, c'est dehors, 1979 ; Aimer mal, châtier bien, 1991), il laisse deux volumes à caractère autobiographique, L'Adolescence volée (1999) et C'est la lutte finale etc. (2003).
 Les phénomènes de conformisme ou d’influence étudiés classiquement en psychologie sociale prennent-ils des formes différentes selon la culture  une influence déterminante sur le fonctionnement psychologique . Les stéréotypes culturels deviennent fondement dans la réalité . En dix chapitres, ce volume fait le point sur ces questions en introduisant les principales théories et recherches de la psychologie sociale, en évaluant leur validité interculturelle, et en élaborant les questions à approfondir. Il offre ainsi une perspective d’intégration qui s’avère essentielle face à l’accroissement des connaissances dans les sciences humaines et sociales. Il publie en 1982 son étude psychosociale qui traite des faits de sociétés et de leurs conséquences sociales.
 Les troubles psychologiques entraînés par la précarité sociale et leur traitement, relèvent de la psychiatrie, du travail social ou des solidarités, des relations intra- familiales ou autres.
Il repérer les relations à établir entre secteur social et secteur sanitaire, notamment point de vue psychiatrique.

CHARLES ROJZMAN,
Psychothérapeute.
Fondateur de Transformations thérapies sociales
Directeur de la revue Impatiences Démocratiques
Auteur, notamment, de La Peur la haine et la démocratie, Desclée de Brouwer 1999

QUI SONT LES VIOLENTS?
Pour les uns, la véritable violence. C'est celle du grand capital, de la conspiration des multinationales
à l'origine des inégalités. Du chômage de masse et de la précarisation de pans entiers de la
population. Pour les autres, la violence est celle des délinquants des banlieues certains vont même jusqu'à
parler de «bandes ethniques» qui terrorisent une population qui aspire au calme et à la sécurité.
Dans les deux cas, la violence est considérée comme un mal extérieur contre lequel il faut lutter.
Peu ou prou, chacun s'aligne. en fonction de ses a priori idéologiques sur l'une ou l'autre de ces
propositions. Et de plus en plus d'ailleurs, pour certains, en combinant l'une et l'autre, ce qui renforce le
sentiment d'impuissance. En effet, comment pourrions-nous lutter contre une violence qui parait être le
résultat d'un ensemble de phénomènes sur lesquels nous n'avons pas de prise? Comment des enseignants,
des travailleurs sociaux, pourraient-ils réagir efficacement face aux conséquences de la crise urbaine,
sociale et familiale? La tentation est grande alors de chercher à se protéger par tous les moyens des
fauteurs de trouble.
Ma pratique professionnelle qui consiste depuis des années à écouter sans a priori et sans jugement
les habitants des quartiers populaires mais aussi les policiers, les enseignants les travailleurs sociaux, les
élus et à les faire travailler ensemble sur ce type de problèmes, m'a appris deux choses principales, La
première, c'est que les deux propositions citées plus haut contiennent chacune une part de vérité, même si
ces vérités sont contradictoires. Il faut traiter ensemble, de façon systémique, radicale et
transdisciplinaire ces deux formes de violence. Quand on ne traite pas les violences circonscrites aux
banlieues, l'espace public disparaît, surtout pour les plus défavorisés; la peur et la haine prolifèrent, avec
toutes les conséquences et les risques que l'on connaît. En même temps, on ne peut se contenter de vouloir
éradiquer ce symptôme sans tenir compte du terrain qui le produit. L'état de la société et de ses institutions.
On doit voir que tout le système est miné par la violence. Elle est présente sous toutes ses formes dans
l'ensemble du corps social: xénophobies, violences dans les entreprises et les institutions, violence
économique et sociale, violence institutionnelle, violences familiales...
La seconde, c'est qu'on ne peut agir que si l'on considère à la fois que la violence touche d'une
façon ou d'une autre tous les membres de la société, et en même temps qu'elle se manifeste de façon
extrêmement visible chez des jeunes issus de l'immigration maghrébine et africaine dans les quartiers
populaires. Une minorité importante de ces jeunes est à l'origine de violences dont la presse se fait
régulièrement l'écho. Les délits et les incivilités commises par une minorité de ces jeunes risquent à
la longue d'en faire le bouc émissaire idéal de tous nos dysfonctionnements sociaux. En thérapie
familiale, on appelle "malade désigné" le porteur du symptôme qui mine l'ensemble de la famille.
Qu'est-ce qui fait que ces jeunes portent dans notre société les symptômes de nos maladies sociales?
La première des maladies sociales, c'est la dépression: beaucoup de personnes dans nos
sociétés se sentent inutiles, sans valeur, sans projet, sans avenir. La conséquence est un état de
dépression cachée, latente ou reconnue, un recours à diverses formes de toxicomanies (médicaments,
Le monde de l'éducation mars 2000
Trois types d'intervention
Une société forte et sûre d'elle-même peut gérer ce genre de difficultés et intégrer peu à peu
ces minorités les plus fragiles. Malheureusement, en ce début de siècle, la société française ne le peut
pas. Une société a besoin de se créer des boucs émissaires quand elle n'arrive plus à résoudre ses
problèmes. Quand elle fait semblant d'être unie, démocratique, en croissance, et qu'elle se perd dans
une autoévaluation trompeuse, dans une autojustification illusoire. Dans la réalité, nos systèmes
d'intégration ont fait faillite et nos institutions sont devenues encore plus pathogènes parce que
inadaptées aux réalités contemporaines. Les fonctionnements cloisonnés et descendants d'institutions
comme l'école, la police, le travail social, la politique engendrent beaucoup de désespérance et de
colère qui risquent de se reporter naturellement sur des boues émissaires.
De ces constats découlent trois types d'intervention. La première consisterait à prendre le
problème des violences urbaines à bras-le-corps sans se cacher derrière des explications
sociologisantes ou psychologisantes qui laissent les acteurs de terrain complètement impuissants. Si
tous ces phénomènes sont des conséquences de la misère, du chômage, d'un côté, ou bien, de l'autre, de
la désintégration des familles, du laxisme des autorités, que peuvent faire les citoyens sinon accuser et se
plaindre?... En tenant compte du fait que les violences les plus visibles sont commises par des jeunes
issus de l'immigration maghrébine et africaine, il est urgent de mettre en place les moyens d'un processus
de réconciliation.
Il s'agirait d'aider les parties en présence à comprendre sur quoi reposent les points de vue des uns
et des autres, à comprendre les expériences réelles et les souffrances. Les expériences des «racistes »
comme celles des enfants de l'immigration sont des expériences réelles. Il faut que les uns et les autres les
entendent et les reconnaissent. L'organisation sociale met en présence et en contact des personnes et des
groupes qui acquièrent une vision trompeuse des autres parce qu'elles ne peuvent pas avoir une vued'ensemble sur leur réalité totale et parce qu'ils ne les fréquentent pas vraiment en dehors précisément des
situations de conflit. Entre le contrôleur de la SNCF, le postier, le professeur de collège, l'îlotier et ces
jeunes, la rencontre est faussée par le contexte social dans lequel elle se déroule.
Il serait vain de chercher une solution unique, une panacée, il faut multiplier et favoriser des liens
entre des milieux qui ne se connaissent pas, qui ont des représentations fantasmatiques ou stéréotypées
les uns des autres, afin de ralentir ce processus de retour à des situations régressives et inhumaines. Il faut
modifier les conditions de rencontre sociale qui provoquent des peurs, des frictions intercommunautaires et
mtergénérationnelles, les malentendus, les agressions oui se font écho.Le deuxième type d'intervention possible consisterait à agir sur les représentations qui engendrent
la violence. Il est important de ne pas conforter les parties en présence dans les quartiers populaires dans
une logique manichéenne et quasi paranoïaque. Encenser les violents, justifier leurs actes et leurs délits
revient à provoquer des incendies qui à leur tour génèrent de la peur, de l'incompréhension et de la haine. Il
faut plutôt faire connaître les logiques réciproques et contradictoires, écouter les émotions y compris quand
elles sont ressenties par des personnes qui ne partagent pas nos normes et nos valeurs, dépasser les
jugements sur les «parents démissionnaires », les jeunes irrécupérables », les «fonctionnaires paresseux ou indifférents»,
les «policiers racistes», les «politiciens carriéristes ou corrompus» pour entendre la complexité des interactions
humaines et la soif de reconnaissance et de pouvoir de tous et de chacun.Enfin un troisième type d'intervention, qui conditionne d'ailleurs les précédents, peut permettre
de provoquer des transformations en profondeur, le changement des institutions. La violence sous toutes
ses formes est aujourd'hui l'expression d'une crise du vivre ensemble. Or les institutions ont des
fonctionnements largement inadaptés à l'évolution de la société et sont donc devenues elles-mêmes
pathogènes, provoquant des sentiments d'insécurité, de dévalorisation, d'impuissance et de solitude.
Ceux qui font face aux plus grandes difficultés et sont le plus à même de constater les
dysfonctionnements sociaux, ont besoin de prendre la parole, même si leur parole dérange, et ont besoin
d'avoir le pouvoir de faire des propositions de changement. Le besoin de travailler ensemble est encore
plus pressant. Les institutions doivent apprendre à travailler, surtout au niveau du terrain, d'une façon
décloisonnée et trans-disciplinaire.
Toutes ces transformations des individus ne pourront se faire Si nous ne mettons pas en place une
éducation, une formation à la coopération qui nous apprendrait à accepter les conflits et les remises en
cause, à écouter ceux qui ne pensent pas comme nous et à nous laisser transformer par eux. Cet
apprentissage nous concerne tous, quelle que soit notre position dans la hiérarchie sociale, et nous
aiderait à nous délivrer en partie des conditionnements qui entraînent le mépris, l'égoïsme, la peur et
donc fatalement la violence.
La violence est un puissant révélateur de nos dysfonctionnements sociaux et institutionnels et
témoigne d'un affaiblissement considérable de la vie démocratique. Si son niveau augmente, on peut
craindre le recours à des solutions autoritaires qui risqueraient de porter atteinte aux libertés et à la
solidarité, voire d'entraîner des dangers plus graves pour notre société. Elle représente aussi une opportunité à saisir si nous savons écouter ce qu'elle nous dit sur nos besoins insatisfaits et sur notre difficulté à prendre nos responsabilités...
http://www.inami.fgov.be/homefr.htm
http://www.socialsecurity.fgov.be/fr/links/ziekenfonds.htm

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