lundi 23 août 2010

Faux souvenirs...

Suggestion et modification du comportement

On parle de manipulation mentale lorsqu'un individu ou qu'un groupe d'individus exerce une tentative de prise de contrôle de l'esprit et du comportement d'une personne ou d'un groupe, en usant de techniques dites de persuasion ou de « suggestion mentale », en cherchant ou non à contourner les capacités critiques et/ou d'auto-critique de la personne, c'est-à-dire sa capacité à juger ou à refuser des informations ou des injonctions.
Certaines formes de manipulations pourraient être altruistes, mais la notion de manipulation mentale est généralement connotée négativement, évoquant les manipulateurs aux comportements égoïstes ou malveillants.
Des formes extrêmes en seraient par exemple le lavage de cerveau, ou des manipulations conduisant au suicide, ou à des comportements collectifs de type totalitaire et génocidaires.
Plusieurs recherches publiées en 2008 mettent en évidence que les suggestions modifient les croyances et les attitudes, mais aussi les comportements réels des personnes (par exemple Scoboria, Mazzoni, & Jarry 2008)

2009 et suivantes – Implantation de faux souvenirs et modifications du comportement

Les dernières expériences menée par les équipes de chercheurs autour d’Elizabeth Loftus (Bernstein & Loftus, 2009, Perspectives on Psychological Science) montrent qu’en induisant un faux souvenir d’enfance, comme dans l’expérience « Perdu dans un centre commercial », on peut créer un comportement de rejet d’un aliment en suscitant le dégoût et/ou une attirance vers un autre, par le rappel d’un faux événement.
Elizabeth Loftus raconte, par exemple, comment elle a réussi à tromper Alan Alda, animateur de Scientific American Frontiers, en lui faisant croire qu’il n’aimait pas les œufs durs, parce qu’il en avait trop mangé dans son enfance et en était tombé malade. Alda avait reçu une semaine avant son arrivée à l’UCI un résumé de son histoire personnelle dans lequel on avait intégré cette anecdote. Pendant le lunch avec les membres du laboratoire de Loftus, Alda a refusé de manger des œufs durs, scène qui a été filmée et diffusée devant des millions de téléspectateurs !
Loftus cite l’une des dernières expériences menée en 2008 avec Cara Laney et son équipe, « Asparagus, a love story » (les asperges, une histoire d’amour), ou comment s’alimenter mieux grâce à un faux souvenir. Les enfants détestent souvent le goût de certains aliments tels que les choux de Bruxelles ou les asperges. En persuadant les étudiants testés qu’ils adoraient les asperges dans leur enfance contrairement à ce qu’ils avaient prétendu au départ, l’expérience leur a donné non seulement le goût pour les asperges, mais encore l’envie d’en manger le plus souvent possible et même de les payer beaucoup plus cher à l’épicerie !

Est-il légitime d’implanter des faux souvenirs pour résoudre certaines difficultés de la vie courante ?
Il est donc possible d’implanter des faux souvenirs expérimentalement ou dans les thérapies de la mémoire retrouvée. Une fois le souvenir implanté, la personne croit fermement à la véracité de ce faux souvenir. Dans le cas des expériences, il est nécessaire d’aider le sujet à prendre conscience que ce souvenir est faux et à l’abandonner. Dans le cas des thérapies de la mémoire retrouvée, cette prise de conscience très rare est le fruit du hasard, d’une lecture, d’une rencontre ou d’un évènement imprévisible, etc.
Des expériences d’Elizabeth Loftus montrent qu’on peut implanter un faux souvenir d’une affection infantile qui conduit le sujet à rejeter la consommation de certains aliments. Ceci  l’amène à se demander s’il serait légitime d’exploiter cette technique pour détourner des gens obèses ou accros de la consommation d’aliments gras, d’alcool, ou de drogue.
Est-il plus contraire à l’éthique d’utiliser ces techniques pour aider, par exemple, des enfants obèses à acquérir la maîtrise de leur alimentation, que de leur raconter l’histoire du Père Noël ?
Question délicate car manipuler l’esprit pose toujours, quel que soit l’objectif, un problème de conscience, tant cette emprise est efficace.
Brigitte Axelrad

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