samedi 4 décembre 2010

Scandale de l'hormone de croissance

L'horreur de l'affaire de l'hormone de croissance glace le sang. Comment cela a-t-il pu arriver et pourrait-elle se reproduire aujourd'hui ? Ce dossier apporte des réponses à toutes vos questions.

Le procès de l'hormone de croissance se déroule actuellement et doit déterminer les responsables de la contamination de plus d'une centaine d'enfants. Ces enfants, dont la croissance était retardée, ont subi des injections d'hormone de croissance contaminée par des prions infectieux et ont développé la maladie de Creutzfeldt-Jakob, maladie neurodégénérative toujours incurable aujourd'hui.

Les familles des victimes demandent que justice soit faite. Il est donc nécessaire de comprendre s'il était possible, selon les connaissances de l'époque, d'éviter une telle catastrophe. Et aujourd'hui, un nouveau désastre pourrait-il se reproduire ?


Le prion, une protéine infectieuse, est responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. © Cornu, cc by-sa 2.0
Ce dossier offre un tour d'horizon des connaissances nécessaires à la compréhension de l'affaire. Nous nous intéresserons à l'hormone de croissance et aux raisons qui ont nécessité l'injection de l'hormone chez certains enfants. Comment l'hormone a-t-elle pu être contaminée par des prions infectieux et quelles sont les caractéristiques de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ? Après avoir abordé cette maladie sous tous les angles, nous vous proposerons une interview exclusive de Jean-Philippe Brandel, neurologue spécialiste des maladies à prions.


Jean-Philippe Brandel, médecin spécialiste des maladies à prions. © DR
Futura-Sciences : Aurait-on pu éviter les contaminations liées aux hormones de croissance à l’époque ?

Jean-Philippe Brandel : Difficile à dire et c’est la question que l’on pose au procès. J’étais sur les bancs de la fac, et c’est difficile de refaire l’histoire après. Si tout le monde avait eu les connaissances scientifiques suffisantes, peut-être qu’on aurait pu les éviter, le tout c’est l’accès à ces connaissances scientifiques. C’est au procès de répondre à cette question.

FS : Êtes vous plutôt du côté des accusés ou des malades ?

J-P B : Mon rôle est d’accompagner les malades. Je suis avant tout aux côtés des malades et des associations de malades avec lesquelles je travaille mais je n'ai pas à prendre partie. J’aide les familles des malades à affronter une maladie constamment mortelle pour laquelle on n’a pas de traitement, chez un enfant qui en plus a été traité et dont les injections ont été faites par les parents eux-mêmes. C’est l’horreur pour les parents. C’est difficile pour les familles de discuter avec des médecins alors même que ce sont des médecins qui ont prescrit un traitement qui s’est avéré une catastrophe pour leur enfant.

FS : Y a-t-il un risque qu’une contamination de ce type se reproduise ?…

J-P B : On essaie de faire en sorte que ca ne se reproduise pas, mais il faut être très prudent car ce sont des maladies dont on ne connaît pas tout. On n’est jamais à l’abri d’une contamination par une autre voie ou par une modalité particulière. Un des problèmes est la très longue incubation et que, pendant cette période d’incubation on ne peut pas savoir si les gens sont malades car il n’y a pas de test symptomatique. C’est vraiment la bombe à retardement. Si on ne faisait pas attention, on pourrait aboutir à une nouvelle catastrophe.

D’ailleurs c’est après l’histoire des hormones de croissance qu’il y a eu les cas de variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. À l’époque, avant l’ESB en 1985, personne ne pensait qu’en diminuant simplement la température de chauffage pour la production des farines animales on allait contaminer les bovins et entraîner l'apparition de la vache folle. Personne ne pouvait imaginer que ça pouvait se transmettre à l’homme à partir de la vache. On pensait qu'il y avait une barrière d’espèce. Avec ce type de maladies on peut toujours avoir des mauvaises surprises, donc il ne faut pas baisser la garde. C’est pour ça qu’on prend énormément de précautions sur tout ce qui est inactivation du prion et stérilisation du matériel chirurgical des hôpitaux par l'application de la circulaire 138 de 2001 qui sera bientôt remaniée.

FS : …ou que l’on trouve un tout nouveau mode de contamination ?

J-P B : Il y a la voie sanguine pour la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (quatre cas en Grande-Bretagne) et en France des gens qui avaient la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ont donné leur sang. On surveille les receveurs de près mais pour l’instant on n’a pas identifié de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob à partir de transfusion.

Tant que le prion existe on ne peut pas dire qu’il n’y a aucun risque et il faut rester très vigilant pour éviter d’arriver à de telles catastrophes.

Futura sciences Actualités.2011

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