mardi 5 octobre 2010

Le silence...

Silence ou mutisme ?
Beaucoup d'encre a coulé sur cette question du silence du psychanalyste, question qu'il convient de laisser en suspens et à l'appréciation de chaque praticien, de chaque cure, de chaque séance.
Cela posé, il n'est pas inutile de redire l'importance d'une certaine qualité de silence, palpable et extérieur tout autant qu'impalpable et intérieur, silence qui est une des principales clés de l'accueil, du non-savoir, de la présence du psychanalyste, par là, de son écoute, de ce que cette écoute permet comme rencontre et comme échange, de ce qu'à travers son écoute il puisse entendre ce que lui dit - ce que se dit - le (la) psychanalysant(e), ce qui se dit là dans l'espace du transfert.



Le silence est d'abord ouverture
Si le silence est l'exigence première du psychanalyste dans le moment de la cure, de la séance, mais aussi hors de celles-ci, il n'est certainement pas un prétexte à figer des impasses, un instrument de pouvoir sur l'autre ou même la preuve donnée par le psychanalyste de sa compétence.

Face aux dérives possibles de ce silence prôné comme pierre angulaire du cadre de la cure, érigé parfois en absolutisme d'un nouveau genre, il convient aussi de rappeler avec force que silence n'est pas mutisme. Le mutisme est un symptôme qui, dans la clinique psychanalytique, est étroitement lié à la surdité, à la dénégation, au déni. Voire à l'abus, au viol, au meurtre psychiques.
Le mutisme est contraire à l'esprit de la psychanalyse
Le mutisme du psychanalyste s'enracine dans une psychanalyse non assez approfondie en ce qui le concerne, en une position fixatoire qui peut en arriver à se justifier d'idéologies, de dogmes, de théories, de principes d'écoles, pour camoufler l'abus de position dominante dont il se rend ainsi coupable, pour masquer son incapacité ou son refus d'entendre ce qui se joue, se trame ou se dit de part et d'autre de l'inter-transfert, cette relation dynamique où s'explicitent peu à peu les perceptions, les affects, les représentations, les fantaisies, les peurs, les douleurs, les souffrances, les désespoirs, les doutes, les interrogations, les inventions, les créations, les aspirations, les espérances, les rêves et les désirs de l'analysant(e).
Aller vers plus de liberté et plus de vie

Reste, alors, à savoir dans quelle mesure la psychanalyse (plus largement, et à plus forte raison, toute thérapie, toute thérapeutique) ne peut pas, parfois aussi, rendre le malade encore plus malade, le dépressif encore plus dépressif, le fou encore plus fou…

Question redoutable puisqu'elle ébranle jusqu'aux fondements mêmes de nos certitudes, mais question que l'on ne peut pas ne pas se poser, car quel praticien n'aura pas rencontré ces patients rendus étrangers à eux-mêmes, déboussolés par un " travail " qui les aura enfermés dans un ailleurs qui n'est pas le leur, dont ils ne savent que faire, dont ils ne peuvent sortir ?

Preuve d'emprise s'il en est, dans ce lieu qui devrait pouvoir défaire toutes les emprises, passées et présentes ?
"Éloignement de soi" provoqué par la psychanalyse ?


Chaque praticien répondra pour soi-même, pour pouvoir répondre aussi de l'autre, cet autre qui vient à elle ou à lui, afin de défaire la mort dans son existence et être, désormais, du côté de la vie.
Saverio Tomasella


Renouer avec le silence

Le silence nous fait peur ? Pourquoi et comment l'apprivoiser ? David Le Breton est sociologue, professeur à l'université de Strasbourg, il a publié plusieurs ouvrages, dont Du silence, (Métailié, 1997) et Eloge de la marche. Il répond à nos questions.

Laurence Ravier

Pourquoi le silence fait-il souvent peur ?
Nous vivons, pour la plupart d'entre nous, dans une société très bruyante. Outre les sonneries des portables, le vacarme des voitures, le brouhaha de la foule, il est de plus en plus difficile d'entrer dans un magasin qui ne diffuse pas de la musique par exemple.

Qui plus est, notre époque est celle de la communication, de la parole. Celui qui se tait inquiète son entourage ou son conjoint : pourquoi ne dis-tu rien ? Tu n'es pas content ? Tu n'es pas d'accord ? Ça ne va pas ?

Marquer une pause silencieuse, c'est rompre le rythme de l'échange. Cela dérange l'autre qui, bien souvent, ne peut pas se contenter d'une présence attentive et chaleureuse. La parole est aujourd'hui reine. Elle nous fait exister, crée le lien. Le silence est plutôt considéré comme un espace à remplir, de façon souvent boulimique, car il risque autrement de révéler ce que nous croyons être notre part d'ombre. Pour beaucoup, il devient insupportable de se retrouver seul avec les autres, ou avec soi. Le bruit sert alors de paravent, de barrage, de carapace.

A lire
De David Le Breton :
Du silence
Editions Métailié, 1997
Eloge de la marche
Marcher, c’est se délivrer de l’urgence, retrouver des sensations oubliées, toucher le sacré...
Editions Métailié 2000
Que nous apporte le silence ?
Le silence nous remet en accord avec la musicalité de notre vie. Il nous offre cette possibilité extraordinaire de renouer avec notre intériorité. Quand le silence se fait peu à peu autour de vous et en vous, alors commence à émerger notre être intérieur, avec ses voix et sa vie propre.

Le silence s'apparente à une sphère qui nous accorde avec le monde. Il vous donne le goût, l'envie profonde de se retrouver en paix. Avec soi-même, et donc avec le monde qui nous entoure. Au Japon, par exemple, pays aux villes souvent très bruyantes, où la promiscuité n'est pas un vain mot, les habitants apprennent à faire silence afin de se retrouver.

Il est souvent banal de dire que le silence est l'un des meilleurs remèdes au stress. Mais c'est pourtant une hygiène de vie que l'on devrait tous s'imposer : rester silencieux quelques instants et se persuader que s'arrêter de parler ne signifie pas pour autant ne plus exister.


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